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15.03.2018

Le défi durable raconté par un expert en transition écologique

Dans la nature, rien n’est séparé. Aucune activité n’est neutre sur le plan environnemental. Marc Lemaire (EcoRes, Groupe One) nous parle régulation, économie circulaire, entreprises ‘épicéa’ et lois naturelles

Homme, terre et économie ont leurs sorts intimement liés. Rien de ce que nous faisons n’est neutre pour notre planète… « Néanmoins, nous avons construit sur le paradigme de la séparation, lequel a engendré la situation écologique actuelle : une planète abusée, une biodiversité menacée, des émissions carbone excessives, une agriculture conventionnelle nocive », déplore Marc Lemaire, ingénieur commercial agroéconomiste et entrepreneur sociétal, qui se réfère aux limites planétaires  à l’intérieur desquelles l’homme peut fonctionner et vivre correctement : « Nous sommes arrivés à un moment historique : trois d’entre elles sont dépassées.
Et nous allons droit dans le mur. Nous n’avons jamais perdu autant d’espèces ni émis autant de CO2 ! Toutefois, il n’est pas trop tard pour réagir pourvu que l’on ait la bonne attitude. Marc Lemaire : « Ou nous restons indécis. Ou nous prenons notre responsabilité, intergénérationnelle, pour contrôler l’état dans lequel nous laisserons la terre à nos enfants, en tenant compte de l’effet temporel : les feux de forêt au Portugal, les catastrophes climatiques actuelles sont l’effet de notre taux de CO2 en 1968 ! »

Selon cette logique de la séparation, c’est comme si nous avions en toute impunité décidé que nos activités pouvaient être nocives sur l’’autre’ : l’environnement, les ressources, les règnes végétal et animal, la terre qui nous porte. 

Changement collectif et rapide attendu

Pour William De Vijlder, chef économiste du Groupe BNP Paribas, il est clair que le politique peut contribuer à remettre de l’unité, du lien sur le marché en encourageant les acteurs économiques par des incitants fiscaux tels que subvention, fiscalité, marché de droits d’émission… poussant à augmenter les externalités positives ainsi que des normes et des sanctions pour réduire les externalités négatives.
Marc Lemaire, pionnier de la transition écologique aimerait que les choses bougent plus vite qu’elles ne le font : «  L’accord de Paris exige de chaque acteur de réels efforts mais la plus grande partie d’entre eux ne seront pas contrôlables. » Seuls ceux des gros industriels le sont, au travers des accords de branche, lesquels leur imposent de compenser leur émission excessive de carbone par l‘achat de certificats verts destinés à financer des projets de développement d’énergie renouvelable dans l’hémisphère sud. »

La prise de conscience  est en cours

Il y a 20 ans, la majorité d’entre nous était-elle déjà réellement consciente de la portée de nos actes sur le sort de la terre que nous lèguerons à nos enfants ? Nombreux étaient encore sceptiques quant aux causes et à l’étendue des dégâts. Aujourd’hui, nous sommes devenus plus clairvoyants. C’est une étape importante de franchie. Le lien à la santé est aussi de plus en plus prégnant. Exemple : les ‘perturbateurs endocriniens ‘ (certains se retrouvent dans les biberons, dans les matières plastiques et à l’intérieur des boîtes de conserve) sont qualifiés de risques pour la santé par l’OMS. Par ailleurs, nous voyons le nombre de patients souffrant d’asthme et de cas de puberté précoce augmenter… A ce sujet, des études sont publiées depuis 15 à 20 ans. Aujourd’hui donc, nous comprenons mieux les enjeux.

Qu’attend-on des entreprises ?

Ces mêmes citoyens conscients sont aussi des employés de plus en plus sensibles à la démarche de leur entreprise dans la lutte contre les enjeux climatiques, démarche qui doit rester long terme et responsable pour que tout le monde y gagne, des salariés aux actionnaires en passant par les clients. Désormais, il est attendu de l’organisation qu’elle fasse ses comptes - comme son bilan financier - en termes d’émission de C02, de particules fines, mais aussi d’impact social  Sa contribution positive à la société devient une donnée aussi conséquente que ses chiffres et ses revenus.

Des valeurs telles que celles promues par des pionniers comme Exki sont devenues des modèles d’inspiration. Mais, selon Marc Lemaire, une loi ferait sans doute primer davantage l’intérêt collectif. « Partons d’une logique sectorielle : Coca ne va pas se mesurer à un acteur IT sur cette question et une banque ne se compare pas à Unilever. Et identifions par secteur les premiers de classe pour investiguer sur quels critères ils se battent. Bionade est une limonade de fabrication 100% biologique, avec des matières premières 100% biologiques et qui ne contient aucun gramme d’alcool… Leurs critères sont-ils généralisables au secteur ? Si oui, ne serait-il pas opportun  d’imposer leurs bonnes pratiques en tant que standard pour toutes les marques de sodas ? », propose Marc Lemaire.

Et le déchet se transforme en nouveau produit

Le sujet ne doit pas être un domaine fourre-tout où l’on jetterait pêle-mêle du CSR, un peu de développement vert et de la responsabilité sociétale. Les dirigeants d’un nombre croissant d’entreprises comprennent l’intérêt d‘emprunter la voie du durable mais les efforts entrepris ne sont pas suffisants et restent dispersés. Aujourd’hui, nous devons passer à l’étape suivante et structurer sa démarche selon son cœur d’activité. Le concept d’économie circulaire tend à s’imposer, ce n’est pas du buzz. Marc Lemaire insiste : « Nous avons bien intégré la nécessite de recycler. C’est bien mais on reste dans le linéaire, le type d’économie qui extraie des minéraux de la terre pour tous ses besoins et qui les jette ensuite. Nous faisons pareil avec les ‘consommables’. »

Observons donc la nature et inspirons-nous de ses ‘lois’ dictées par le bon sens. Dans la nature, rien ne se perd. Tout se recrée pour se transformer. Un organisme vivant qui meurt va être récupéré en tant que nutriment pour donner la vie à un autre. Les cycles de la vie et de la mort sont intimement liés. Seul l’homme a créé la notion de déchet.

A l’inverse du linéaire, l’économie circulaire crée des boucles et s’arrange pour utiliser un déchet industriel dans le cadre d’un autre cycle économique : exemple, l’huile de friture n’est plus jetée mais sert pour 90% à la fabrication du biodiesel.

La gestion distincte des cycles biologique et technique est un autre principe de base du circulaire. D’une chaise en bois seront extraits les composants ‘inertes’ tels les vis et boulons que l’on séparera par la suite des parties vivantes. Le bois peut repartir dans le circuit biologique et revivre un cycle. Le but ? Qu’il ait le plus de vies possibles. C’est aussi envisageable avec les boulons et on va veiller à rallonger leur durée de vie en les récupérant et en multipliant leurs utilités, pour devoir en produire moins, in fine.

Comment gérer les vies et la durée d’utilité ? En devenant propriétaire du matériau et en organisant sa traçabilité, comme Unicore qui achète du cobalt dans des mines au Katanga et en reste responsable.
L’économie de la fonctionnalité participe aussi de ce souci de partage intelligent des ressources. « Je ne vais plus acheter une voiture qui me transporte occasionnellement, ma famille et moi, mais je vais en louer le service. Les services de location s’étendent à de plus en plus de domaines, mais peu d’étude n’est encore sortie à leur sujet », ajoute encore Marc Lemaire.

Le rôle d’une banque ? Faire le tri dans la forêt

La banque a un impact sur tout et ses effets sont d’abord indirects puisqu’elle soutient l’ensemble des activités de ses clients. Cela lui confère une autre responsabilité.

Comment Marc Lemaire envisage-t-il le rôle d’une banque demain ? « Un opérateur financier a les capacités de faire bouger les choses de façon énorme. Tel un arbre, une banque doit être rentable et n’a pas envie de mourir. Mais si elle se saisit de la responsabilité d’un garde forestier, elle peut favoriser la biodiversité en privilégiant la naissance de nouvelles espèces. J’ai dans ma forêt, des arbres occupés à appauvrir le sol, lequel se dégrade significativement ? » Marc Lemaire : « Imaginons, qu’en bon gestionnaire, elle décide de faire le tri : moins financer les entreprises type épicéa’ qui appauvrissent le sol et faciliter l’accès à l’argent pour des jeunes pousses qui ont envie de grandir. Ce sont les pépites durables de demain. Cela ne se fera pas du jour au lendemain mais, à terme, cela devrait optimiser la structure de son portefeuille ». En d’autres mots, la banque a aussi la responsabilité de choisir à qui elle distribue son énergie’ : aux entreprises qui feront tourner l’économie durable ou aux épicéas nuisibles à l’écosystème…

Comment transformer les contraintes de la transition énergétique en opportunité stratégique ? « Avec rigueur et pragmatisme », nous explique notre partenaire Climact.

«Nous accompagnons et conseillons les entreprises pour qu’elles deviennent plus matures sur les enjeux liés au réchauffement climatique. Et ça implique d’aborder un certain nombre d’obligations, comme le reporting sur la durabilité exigé par la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) », explique Jerome Meessen, Associate Partner chez Climact. « Nous veillons à ce qu’elles retirent une vraie valeur ajoutée de cet exercice, les plus tangibles étant une réduction de leurs dépenses énergétiques ou une meilleure résilience de leurs fournisseurs et clients vis-à-vis de la transition climatique. Et nous le faisons à la fois avec rigueur et pragmatisme. Rigueur, car nous nous basons sur des chiffres et utilisons des méthodes reconnues, comme le Greenhouse Gas Protocol pour le calcul de l’empreinte carbone, sans tomber dans les pièges du greenwashing. Et pragmatisme, parce que nous nous adaptons toujours à la réalité de l’entreprise. »

Un parcours en 5 étapes

Mais concrètement, comment Climact accompagne-t-il les entreprises et organisations publiques ?

Jerome Meessen : « Nous les aidons tout d’abord à bien comprendre les enjeux du changement climatique auxquelles elles sont ou vont être confrontées. Nous le faisons en dressant une cartographie des opportunités et des risques, par exemple celui d’inondation d’un site de production ou les conséquences d’un prix carbone élevé. Nous établissons dans la foulée le diagnostic de leur incidence actuelle, c’est-à-dire le bilan carbone de leurs activités. Nous passons ensuite à l’étape de la vision future, en fixant avec elles des objectifs de durabilité, en nous référant lorsque c’est pertinent aux standards internationaux des Science Based Targets. Puis nous les aidons à mettre sur pied un plan de transition bien concret et à l’appliquer sur le terrain, par exemple en leur permettant de définir le contenu et les détails d’un contrat d’achat d’énergie verte. Et enfin, nous les accompagnons pour communiquer sur leur engagement, et ce notamment en nous alignant avec les exigences de la CSRD. »

La CSRD, charge administrative ou opportunité stratégique ?

Entrée en vigueur cette année, la CSRD et ses impératifs de reporting sont un passage obligé pour de nombreuses entreprises. « L’ambition de la directive est de donner un maximum de transparence sur l’état de la transition durable des entreprises », précise Jerome Meessen. « Le reporting porte sur des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ce tableau permet aussi aux acteurs extérieurs, en particulier ceux qui vont financer l’entreprise, d’avoir une vue objective du chemin accompli, de l’ambition climatique et de l’exposition aux risques du changement climatique.

« Cet exercice de reporting est une charge administrative significative pour les entreprises », enchaîne Jérémy Robinet, qui coordonne le partenariat avec BNP Paribas Fortis. « Il faut respecter une méthodologie et des standards précis, remplir des formulaires, fournir des indicateurs… Mais c’est aussi l’occasion d’élaborer une stratégie solide et fondée de transition qui sera bénéfique pour l’entreprise, y compris en termes de réputation. Grâce à notre accompagnement, les entreprises gagnent du temps. Elles ont la certitude que leur reporting respecte les contraintes réglementaires, et elles donnent de la valeur et du sens à leur démarche ESG. »

Climact, partenaire de BNP Paribas Fortis

Climact est l’un des partenaires sélectionnés par BNP Paribas Fortis pour accompagner ses entreprises clientes au-delà des seuls enjeux financiers. « A l’initiative du Relationship Manager de la banque, nous rencontrons les entreprises qui souhaitent avancer sur leur transition énergétique et durable, plus spécifiquement pour leur stratégie de décarbonation et pour dresser leur bilan carbone», explique Jérémy Robinet.

Gilles Roumain, Sustainibility Program Officer chez BNP Paribas Fortis et responsable du partenariat avec Climact : « La collaboration avec Climact nous permet d’apporter des solutions à nos clients pour les accompagner dans la décarbonation de leurs activités, mais aussi d’améliorer notre expertise pour ces questions de la décarbonation. Et en leur proposant cet accompagnement, c’est aussi notre propre empreinte carbone que nous réduisons. »

« Les entreprises que la banque met en contact avec nous viennent de tous les secteurs », poursuit Jérémy Robinet. « Elles présentent une certaine envergure, avec par exemple un chiffre d’affaires d’au moins 25 millions ou une supply chain complexe. Ce partenariat a déjà débouché sur une quinzaine de collaborations, dont celle avec le fabricant de portes de garage RE Panels.

Nous les avons dans un premier temps accompagnés pour établir un bilan carbone conforme aux obligations européennes de la CSRD.  La direction a ensuite vu un intérêt stratégique dans ce travail et nous a demandé d’effectuer d’autres analyses plus spécifiques, par produit et site de production. Cet exercice leur a permis d’identifier des best practices. RE Panels  a apprécié notre approche. Pour chaque objectif d’amélioration de l’empreinte carbone, nous avons chiffré le coût, le gain et le montant de l’investissement. Ils ont aussi salué la rigueur de l’alignement sur les standards internationaux, un élément essentiel pour éviter de tomber dans les travers du greenwashing. »

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12.06.2024

Nous devons avancer tous ensemble

La banque a diminué de 55% ses émissions de CO2 par équivalent temps plein, et ce depuis 2019. pour Sandra Wilikens, Chief Human Resources Officer, ça nécessite l’implication de tous.

Entre 2019 et 2022, BNP Paribas Fortis a réussi à réduire ses émissions de CO2 de 55%. Comment y êtes-vous parvenus ?

« Principalement en agissant sur l’efficacité énergétique de nos bâtiments, qui représentent environ 80% de nos émissions directes. Nous avons aussi optimisé notre patrimoine immobilier et fortement réduit les déplacements professionnels. Nous avons adopté une approche très structurée, qui implique tous les départements de la banque. Depuis 2012, notre Green Bank Platform rassemble tous les trois mois les responsables de chaque département. Ils y présentent leur plan d’action annuel et leurs initiatives propres. Nous faisons le point sur toute une série de KPI, notamment la consommation d’énergie et de papier, les déplacements professionnels, l’électrification du parc automobile ou encore la gestion des déchets. Parce que mesurer permet de mieux comprendre. »

Votre objectif était de réduire les émissions de 42,5% par rapport à 2012 avant la fin de l’année 2025. Cet objectif est atteint. Quelles sont vos autres ambitions ?

« Nous ne comptons pas ménager nos efforts d’ici 2025. Car il n’y a pas de temps à perdre si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050. Notre nouveau siège de Montagne du Parc à Bruxelles est un bel exemple d’efficacité énergétique. Mais pour le reste de notre parc immobilier, il reste beaucoup à faire. Nous allons améliorer l’efficacité énergétique de nos différents sites régionaux, installer des panneaux solaires sur plus de 80 sites et généraliser l’éclairage LED dans nos bâtiments. Ces efforts devraient nous permettre de réduire nos émissions de CO2 de 7% supplémentaires. »

Où en êtes-vous dans l’électrification de votre parc automobile ?

« Nous faisons beaucoup d’efforts pour électrifier notre parc automobile, et je peux dire que nous avançons dans la bonne direction. Fin 2022, 30% de la flotte des véhicules d’entreprise en leasing était électrifiée, soit des voitures 100% électriques et hybrides rechargeables. Au 3e trimestre 2023, 95% des nouvelles commandes portait sur ce type de véhicules. La nouvelle fiscalité joue évidemment un rôle important dans cette évolution.

Mais pour les employeurs, les choses ne s’arrêtent pas là. Ils doivent composer avec un cadre fiscal très complexe, notamment pour le remboursement des frais d’électricité. Et pour une partie de nos collaborateurs, les choses ne sont pas non plus toujours simples, par exemple parce qu’ils ont difficilement accès à une borne de recharge. Je compte organiser cette année une table ronde sur la mobilité. Elle réunirait autorités, opérateurs, start-up et entreprises. Car nous devons avancer, et nous devons le faire ensemble. »

Comment impliquez-vous les collaborateurs et collaboratrices ?

« Il faut bien sûr beaucoup communiquer, expliquer ce qu’on fait et pourquoi on le fait. Au sein de la banque, nous pouvons aussi compter sur un réseau de plus de 220 EcoCoaches. Le compartiment durabilité de la CCT 90 est aussi un incitant intéressant. Tous les ans, nous nous nous fixons six objectifs concrets. Si trois d’entre eux sont atteints, l’ensemble du personnel bénéficie d’une prime en fin d’année. Jusqu’à présent, ça a toujours été le cas.

Et nous pouvons nous appuyer sur d’autres incitants. Grâce à notre Green Fuel Consumer Plan, nous récompensons les membres du personnel qui ont une voiture de société mais qui l’utilisent peu. Nous menons aussi de nombreuses actions pour favoriser la mobilité douce : marche, vélo et transports en commun. Le choix d’implanter nos sièges au cœur des villes a également un impact positif. Fin 2022, 79% des membres du personnel travaillant à Bruxelles empruntaient les transports en commun pour venir au bureau. En dehors des villes, ils sont 60%. »

Selon vous, dans quels autres domaines est-il urgent de prendre des mesures ?

« La pollution numérique est souvent sous-estimée. Il faut bien se rendre compte qu’envoyer 100 e-mails pollue autant que rouler 20 kilomètres en voiture. C’est pour ça que nous organisons chaque année une campagne interne pour sensibiliser nos collaborateurs et leur donner des conseils en vue de réduire leur empreinte digitale. Nettoyer régulièrement sa boîte e-mail, envoyer des liens plutôt que des fichiers, supprimer les fichiers obsolètes : ce sont de petits efforts, mais si nos 11.000 collègues intègrent ces nouveaux réflexes, l’impact peut être énorme. Chaque effort compte ! »

Un abonnement pour fidéliser sa clientèle, se réinventer en période de crise et acheter mieux : Emna Everard a vu juste pour lancer et pérenniser sa start-up bruxelloise.

Née dans une famille de médecins spécialisés en diététique, Emna Everard sait ce que signifie manger sainement. « À 12 ans, je décryptais déjà les étiquettes des emballages. Mon rêve était de réussir à ouvrir, un jour, un supermarché où on pourrait faire ses courses les yeux fermés » se souvient-elle. 

Et puisqu'Emna Everard a l'entrepreneuriat dans le sang, c'est ce qu'elle a fait. En 2016, un peu avant la fin de ses études supérieures, elle lance le supermarché en ligne « le plus sain du marché » : Kazidomi. Ses exigences sont élevées, tant en matière de composition que de goût. Car Kazidomi trie ses produits sur le volet, permettant à sa clientèle d’acheter en toute confiance des produits sains, majoritairement bio et tournés vers le végétal.

Le programme de fidélisation

Six mois après son lancement, la croissance de Kazidomi s’accélère grâce au lancement de son programme de fidélité. Un abonnement à 59 euros qui offre des réductions de 20 à 50% sur l'ensemble des produits alimentaires, cosmétiques ou d'entretien disponibles en ligne. Rentabilisation et économies garanties.

S’en suit une première levée de fonds de 50.000 euros en 2017. Kazidomi grandit, étend la taille de son stock et développe son marketing. Emna Everard engage ses deux premiers collaborateurs. Le chiffre d’affaires augmente vite et explose littéralement pendant la crise du Covid. « Les consommateurs avaient soudain le temps de réfléchir à leur santé et à leur bien-être et faisaient l’essentiel de leurs achats en ligne » ajoute-t-elle.

Comment se réinventer ?

L’après crise constitue un tournant. « Kazidomi a dû se réinventer. Nous voulions trouver une stabilité financière et éviter toute dépendance à des moyens externes » poursuit Emna Everard. Avec ses équipes, elle mène une réflexion sur la structure des coûts, l’efficience opérationnelle et le marketing. L’objectif n’est plus la croissance à tout prix, mais bien la pérennité et la santé financière de l’entreprise, grâce à une réorganisation intelligente.

Deux acquisitions vont ensuite permettre à Kazidomi de relancer sa croissance, en créant des synergies porteuses : « Smart Fooding » en août 2022 et « Bébé au Naturel » quelques mois plus tard. Une entité spécialisée dans les produits sains pour les bébés et leurs parents. « Avec Bébé au Naturel, nous avons doublé le volume de colis envoyés » complète Emna Everard. « Cela nous a permis d’obtenir un meilleur tarif auprès de nos transporteurs et de réduire les coûts ».

Une banque réactive et à l’écoute

En tant que banquier de la start-up bruxelloise, BNP Paribas Fortis lui a accordé trois crédits à son lancement, entre 2016 et 2019. Un soutien qui coulait de source, les engagements de Kazidomi en matière d’objectifs ESG (Environnemental, Sociétal et Gouvernance) cadrant parfaitement avec la stratégie de la banque. « Nous avons intégré le programme Innovation Hub de BNP Paribas Fortis et notre chargé de relation - qui connaissait très bien le milieu des start-ups - s'est montré immédiatement enthousiaste et très à l'écoute. Il a cru en notre projet, l'a suivi de près, nous a conseillé de participer à une série d'événements pour rencontrer d'autres acteurs dont le parcours et le profil est intéressant pour nous », explique l’Entrepreneure de l’année 2019.

Mais le soutien ne s’est pas arrêté là. « En décembre 2022, c’est grâce à BNP Paribas Fortis, entre autres, que nous avons pu acquérir « Bébé au Naturel ». Des start-ups comme Kazidomi ont besoin d’une grande réactivité de la part de leur banque. Quand il y a une entreprise à racheter, une opportunité, les choses doivent aller vite. Analyse du dossier, mise à disposition des fonds : BNP Paribas Fortis a toujours été réactif et enthousiaste et nous a soutenu dans 99% de nos demandes » s’enthousiasme la CEO.

Huit ans après son lancement, Kazidomi livre 4.000 produits partout en Europe. La start up belge réalise 90% de ses ventes via son site web et 10% via des revendeurs externes, comme Delhaize.

Kazidomi a également lancé sa propre marque «Kazidomi», qui propose 200 produits. «En travaillant en direct avec les producteurs, nous pouvons proposer les produits les plus qualitatifs possibles, au meilleur prix».

https://www.kazidomi.com/fr

Kazidomi est prêt à changer le monde. Découvrez d’autres histoires fascinantes de chefs d’entreprise.

Cosucra investit dans la décarbonation de ses processus de production. L’accent est mis sur les fibres & protéines végétales à base de chicorée et de pois, pour une alimentation saine et moins polluante.

L’entreprise hennuyère Cosucra existe depuis 1852. L’entreprise garde une taille relativement petite avec 365 employés, mais les activités ont changé au fil du temps. À partir des années 80, la transformation des betteraves sucrières a été remplacée par celle de chicorée et de pois jaunes. Le sucre a été remplacé par de l’inuline et de la protéine de pois.

« De nombreuses familles ont peu de temps pour préparer un repas frais chaque jour. Nos produits permettent à l’industrie de leur proposer des repas faciles, rapides et nutritifs » explique Eric Bosly, CEO de Cosucra. « Les nutritionnistes soulignent l’importance des fibres et des protéines végétales pour la santé, et un tel régime a aussi une influence positive sur notre empreinte écologique. »

Nouveaux investisseurs

Pour aller plus loin dans la décarbonation, l’entreprise a lancé en 2023 un plan d’investissement de sept ans d’un montant de 150 millions d’euros. « Nous nous sentons fort concernés par la crise climatique, et nous voulions donc accélérer cette transition » déclare Eric Bosly. « C’est pourquoi nous avons fait appel à trois investisseurs qui partagent nos valeurs et sont prêts à s’engager à long terme. »

Relation sur le long terme

Cosucra et BNP Paribas Fortis collaborent depuis longtemps. « BNP Paribas Fortis nous a soutenus dans notre expansion au Danemark et aux États-Unis. Il est très important d’avoir un seul et même interlocuteur pour la mise en place de la structure financière des filiales, l’ouverture de comptes à l’étranger, etc. Nous nous réunissons régulièrement, ce qui nous permet de compter sur l’expertise d’équipes spécialisées dans l’industrie alimentaire. Leur vision macro est un beau complément à celle des account managers locaux qui connaissent bien nos activités. »

Des conditions de marché identiques

Les efforts fournis par Cosucra permettront de réduire les émissions de CO2 de 55% d’ici trois ans. La décarbonation n’est qu’un de combats d’Eric Bosly. « Nous plaidons pour les mêmes conditions de marché que pour les protéines animales. Pourquoi, par exemple, une TVA de 20% est-elle appliquée au lait à base de pois alors que le lait de vache relève de la TVA à 6% ? Les produits d’origine végétale sont, en outre, plus chers, parce que vous ne pouvez pas réaliser d’économies d’échelle en raison des quantités plus faibles. Compte tenu de tous les « effets externes négatifs » des produits animaux, tant sur la santé que sur l’environnement, notre secteur mérite un soutien jusqu’à ce que nous atteignions une certaine ampleur. »

Changement de mentalité

Le chef d’entreprise déplore la façon dont le commerce de détail utilise la viande comme produit d’appel, en réduisant ses marges pour offrir un prix attractif aux consommateurs. « En période d’inflation, cette différence de prix est d’autant plus préjudiciable pour nous. Un changement de mentalité est donc vraiment nécessaire. Les nutritionnistes disent qu’une portion hebdomadaire de 200 à 250 grammes de viande suffit pour en tirer les bienfaits nutritionnels, sans les effets négatifs. Mais actuellement, la plupart des Belges consomment plutôt 200 grammes de viande par jour. »

Éric Bosly estime aussi que la concurrence des produits agricoles importés est un obstacle. « Le Pacte vert pour l'Europe vise à réduire de moitié les intrants, ce qui entraîne notamment l’interdiction de nombreux herbicides. Les agriculteurs devraient être accompagnés dans cette transition. Et une entreprise comme Cosucra, qui achète des chicorées et des pois dans un rayon de 200 kilomètres, ne joue pas à armes égales avec la forte concurrence chinoise. »

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