Elia émet sa première obligation hybride
Une acquisition stratégique La dette hybride, un instrument complexe ? Le pre-hedging pour un taux garanti De nombreux rebondissements Envisager l’avenir ensembleIls sont peu nombreux à s’être prêtés à l’exercice en Belgique cette année. Elia, gestionnaire du réseau de transport d’électricité, en fait partie. La CFO, Catherine Vandenborre, nous explique pourquoi.
« Pour garder une bonne solvabilité, nous avons émis de la dette hybride. Il était donc important de se faire bien accompagner. » Catherine Vandenborre, CFO Elia Group
Une acquisition stratégique
En mars dernier, Elia décide d’acquérir 20 % supplémentaires dans un gestionnaire de réseau allemand, 50Hertz. Une participation jusque-là détenue par IFM (un fonds d’infrastructure australien), qui lui permet de prendre le contrôle de la société allemande et de devenir un acteur de premier plan dans la transition énergétique en Europe. Le prix de la transaction s’élève à 976,5 millions d’euros. Pour la financer, Elia opte pour un crédit pont de 1 milliard d’euros, qui sera ensuite refinancé par un mix de dette hybride (700 millions d’euros) et d’obligations non subordonnées (300 millions d’euros).
Un projet pour lequel Elia a fait appel à BNP Paribas Fortis. « Nous sommes en relation avec Elia depuis de longues années. Nous connaissons donc parfaitement l’entreprise et ses activités », indiquent en chœur Raf Ceulemans, chargé de relation et son directeur Geert Schepens. « Notre tâche consistait, dans un premier temps, à donner à notre client une réponse rapide pouvant le conforter dans sa décision de rachat et, dans un second temps, à le soutenir au mieux dans la structuration du financement et la vente d’obligations aux investisseurs institutionnels européens ». Mission accomplie comme en témoigne Catherine Vandenborre, CFO Elia Group.
La dette hybride, un instrument complexe ?
Elia souhaite profiter de l’environnement des taux bas et s’engager sur des maturités longues (10 à 12 ans) sur un marché liquide. Son choix se porte donc d’emblée sur une émission obligataire pour refinancer le crédit pont, des produits que l’entreprise maîtrise parfaitement. En revanche, elle décide, pour des raisons de solvabilité, de recourir à la dette hybride, une solution qui lui est beaucoup moins familière. C’est la première fois que l’entreprise émet de la dette hybride, un instrument relativement complexe sur le plan légal, comptable et financier. « Ce qui a fait la différence, outre notre réactivité et notre décision de financer seul le crédit pont, a été l’accompagnement de l’entreprise dans toutes les étapes de la transaction et donc aussi dans la gestion de la dette hybride », explique Katherine Dior, Head of Corporate Debt Platform Benelux chez BNP Paribas Fortis. « Offrir des expertises aussi diverses au sein d’une même équipe est une réelle plus-value et un confort pour les entreprises, souvent sous tension au moment d’une nouvelle acquisition ».
La dette hybride est-elle appelée à se développer en Belgique et en Europe ?
Globalement, le marché européen des hybrides a bien progressé au cours des 3 dernières années même si on est loin des niveaux atteints entre 2013 et 2015. Aujourd’hui, les émetteurs belges sont peu nombreux : Elia, Solvay et UCB y ont déjà fait appel. Plus chère qu’une obligation classique, l’hybride n’a pas les effets dilutifs d’une action et permet à l’entreprise de renforcer sa structure financière protégeant ainsi sa notation (rating) en dépit d’une dette plus élevée. Dès lors, le produit intéressera davantage les sociétés notées. L’activité sur le marché des acquisitions et donc le recours potentiel à un financement par endettement est, en outre, un moteur pour la dette hybride.
Le pre-hedging pour un taux garanti
Dès le début de l’opération, BNP Paribas Fortis propose à Elia un ‘pre-hedging’. Cette couverture fixe à un certain niveau le taux d’émission, une garantie non négligeable en période de fluctuations des taux. Le pre-hedging permet en outre à l’entreprise de budgétiser correctement les flux d’intérêts futurs.
« En plus d’être co-leader de l’émission obligataire, BNP Paribas Fortis nous a proposé une solution de hedging qui convenait à nos besoins. »Catherine Vandenborre, CFO Elia Group
Filip Moens de la salle des marchés chez BNP Paribas Fortis : « C’est toujours un pari sur l’avenir mais quand de tels montants sont en jeu, la prudence s’impose. La clé est d’évoquer en toute transparence les avantages et les inconvénients du pre-hedging afin que l’entreprise puisse choisir en connaissance de cause ».
Dans un premier temps, Elia ne voit d’ailleurs pas l’utilité d’une telle couverture : le niveau d’inflation et les décisions de la Banque centrale européenne ne laissaient pas présager de hausse des taux mais plus tard, les marchés sont devenus plus volatils et l’entreprise préfère fixer les conditions de son emprunt. D’autant plus que des impondérables viennent retarder le moment de l’émission. Catherine Vandenborre : « BNP Paribas Fortis a été la seule banque à nous offrir un instrument de couverture dont la date de dénouement était flexible. Un atout considérable étant donné cette incertitude qui planait sur la date d’émission ».
De nombreux rebondissements
Le gestionnaire de réseau de transport d’électricité avait l’intention de lancer l’émission entre fin mai et début juin. Cependant, on assiste alors à un déraillement du marché essentiellement dû à la situation en Italie. Trois jours avant l’émission, IFM, signale, en outre, vouloir vendre le reste de sa participation dans 50Hertz, qu’elle propose à Elia de racheter, l’entreprise bénéficiant d’un droit de préemption.
Elia doit faire face à de multiples questions : cet élément nouveau risque-t-il d’avoir des conséquences sur son bilan et donc son rating, remet-il en cause le refinancement de la première tranche, d’une part et les intentions des investisseurs d’autre part. Ceux-ci seront-ils toujours disposés à acheter les obligations émises par Elia et à quel prix ?
« BNP Paribas Fortis nous a aidés tout au long de l’opération, de la structuration de l’émission à la proposition de solution supplémentaire, en passant par la communication à adresser aux investisseurs. »Catherine Vandenborre, CFO Elia Group
Après avoir réfléchi avec ses partenaires bancaires et s’être nourri de l’expérience de BNP Paribas Fortis, Elia décide de reporter l’émission, le temps que le marché des taux retrouve une certaine accalmie et qu’une réponse claire puisse être donnée aux investisseurs. La pression monte : l’émetteur ne dispose que d’une quarantaine de jours pour exercer son droit de préemption ! La solution se voudra créative : Elia procédera le même jour et au même prix au rachat de sa participation et à sa revente à la banque publique allemande KfW. Une opération qui favorisera la coopération belgo-allemande en matière d’infrastructures de réseau, n’endettera pas Elia et donc n’aura aucun impact sur sa notation financière. D’autant plus que d’un point de vue stratégique, l’entreprise dispose déjà d’une large majorité dans 50Hertz.
BNP Paribas Fortis peut alors mettre à jour le prospectus et rassurer les investisseurs. Les obligations sont émises fin août et remportent un franc succès. « Le marché a très bien accueilli l’émission qui a été ‘sursouscrite’ par trois fois. Nous avons fait des roadshows dans pas moins de 6 pays européens et rencontré plus de 70 investisseurs », se souvient Catherine Vandenborre.
« Les difficultés nous enrichissent. J’ai vraiment eu l’impression que nous avancions tous dans la même direction et j’espère qu’Elia aura ressenti que nous étions de vrais partenaires », explique Katherine Dior. Et Raf Ceulemans de conclure : « Si la relation de confiance était déjà solide, je pense qu’elle s’en trouve encore renforcée aujourd’hui ».
Envisager l’avenir ensemble
Pour Elia, les défis sont de taille : intégrer de plus en plus l’énergie renouvelable dans le réseau électrique c.-à-d. investir pour relier les nouveaux centres de production aux centres de consommation. Catherine Vandenborre : « Nous attendons d’une banque qu’elle anticipe nos besoins, qu’elle nous soutienne dans les moments stratégiques mais aussi qu’elles nous poussent vers l’avant tout au long de notre parcours d’entreprise ».